In Memoriam

J’ai le regret de vous annoncer le décès de Charles Becker, un ami de longue date, qui vient de décéder à Paris à l’âge de 82 ans.
Dans les années 1970, il a beaucoup travaillé avec Victor Martin, autre historien du CNRS, avec lequel il a réalisé une étude très complète de l’histoire des villages sénégalais, leur origine, leur composition ethnique, ainsi que leurs vestiges archéologiques (amas coquilliers, pierres dressées, pierres lyre, etc.). Il a participé à la réalisation de l’Atlas du Sénégal. Il a travaillé sur de nombreux sujets démographiques, en particulier sur les recensements anciens, et avait réuni avec René Collignon une bibliographie des publications sur la population et la santé entre 1800 et 1960. Lors de l’épidémie de sida dans les années 1990 il a réalisé une enquête sur les comportements sexuels à Niakhar et a joué un rôle important auprès du Ministère de la Santé. Plus tard, dans les années 2000 il s’est beaucoup impliqué dans les questions d’éthique médicale et a produit un important rapport pour le Ministère. Il a relu quantité de thèses, de mémoires, d’articles et d’ouvrages scientifiques, et a servi d’éditeur pour plusieurs maisons d’édition, en particulier l’Harmattan. Il a co-édité de nombreux ouvrages collectifs avec des chercheurs français, sénégalais, et de tous pays.
Charles avait aussi accumulé une énorme documentation sur le Sénégal, qu’il mettait à disposition des chercheurs, jeunes et moins jeunes. Beaucoup de thésards en sciences humaines sont passés chez lui et en ont bénéficié, et beaucoup de chercheurs confirmés en ont aussi profité. Sa bibliothèque sera remise à l’Université Cheikh Anta Diop à Dakar.
Charles avait joué un rôle important pour la commémoration des 50 ans de Niakhar, ainsi qu’à diverses occasions sur le passé colonial du Sénégal et l’AOF.
Il laisse une œuvre abondante, et une famille nombreuse.
Requiescat in pace.
Michel Garenne

Le fondateur de l'Observatoire de Niakhar, Pierre Cantrelle, est décédé en novembre 2024. Nous vous proposons de lire l'hommage que lui rendent ses collègues démographes de l'IRD : ici.
Pour avoir une idée de son immense contribution à cet observatoire, et plus largement aux activités de recherche de l'IRD au Sénégal, n'hésitez pas à visionner le film de Doris Bonnet : Conversation avec Pierre Cantrelle.

Originaire de Mlomp, Paul a fait des études d'infirmiers et rejoint sa commune natale pour travailler au dispensaire Saint Joseph de Mlomp. Il y fut remarqué par les chercheurs de l'ORSTOM pour sa curiosité et son savoir faire médical dès les premières enquêtes conduites au milieu des années 1980. Paul choisit ensuite de quitter le dispensaire pour exercer à Dakar. Mais sa route allait bientôt recroiser celle de l'ORSTOM.
En effet, employé au Centre de Traumatologie et d’Orthopédie, il y soigne un employé de l'ORSTOM au début des années 1990. Venant rendre visite à son collègue, Jean-François Trape, paludologue, reconnaît Paul Senghor avec lequel il avait travaillé à Mlomp et lui propose du travail au laboratoire de paludologie. Après plusieurs années de travail à temps partiel en parallèle de ses activités d’infirmier, Paul Senghor est embauché en CDI à l’ORSTOM en 1995. Il effectue alors ses premières missions à Niakhar pour réaliser des gouttes épaisses - des prélèvements de sang qui une fois analysés au microscope permettent d’identifier la présence du parasite à l’origine du paludisme ainsi que ses caractéristiques.
Remarqué par Gilles Pison, ce dernier lui propose de participer aux entretiens d’autopsie verbale tout d’abord à Bandafassi, puis à Mlomp, son village d’origine, deux sites alors gérés par l'INED. Du fait de son talent pour réaliser ces entretiens, il devient très vite, à la fin des années 1990, l’un des enquêteurs principaux chargés des autopsies verbales. En 2008, à la réunion des trois sites sous la direction administrative de l'IRD, il se voit aussi chargé des autopsies verbales de Niakhar. Il s'impliquera également en tant qu'enquêteur du suivi démographique et sanitaire à Bandafassi et superviseur du suivi de Mlomp à partir de 2008. Il contribua à de nombreuses enquêtes sur la santé conduites par les unités URMITE, puis VITROME.
Au delà de son immense contribution à l'OPSE, Paul a contribué à initier de nombreux scientifiques, de l'INED et de l'IRD notamment, à l'histoire, aux traditions et aux beautés de la culture Diola et de la Casamance. Parler avec lui était toujours un immense plaisir et une source d'enrichissement extraordinaire. Homme de terrain dynamique, toujours de bonne humeur, généreux et empathique, Paul a illuminé de sa présence de nombreux terrains de recherche et a contribué à leur réussite. Il a su y imprimer les moments les plus plaisants et les plus magiques.
Paul restera à jamais dans la mémoire de l'observatoire et dans les coeurs de ceux qui ont eu le bonheur de travailler avec lui.
Crédits : Ce texte exprime l'émotion de nombreux collègues, qui ont échangé mots et photos à l'annonce du décès de Paul. Il a été rédigé par Laurence Fleury.
Le texte a beaucoup emprunté à la biographie de Paul écrite par Ariane Sessego dans son mémoire de Master 2, « Les médecins de la mort. Identifier les causes de décès dans les pays les plus pauvres : la méthode d’autopsie verbale en Afrique de l’Ouest depuis les années 1950 » (2022).